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11/11/2014

1914 : les peuples d'Europe au rendez-vous du Centenaire

 soldatslanuit2.jpg

...même si la Commission de l'UE s'y est dérobée :  


 

Dans Le Monde du 11/11, Jean-Pierre Stroobants (du « bureau européen »* de ce quotidien à Bruxelles) déplore que la Commission ait renoncé à célébrer le centenaire de la Grande Guerre. Dommage, dit-il, car « l'Europe » aurait pu saisir cette occasion « presque rêvée » : 1. pour « dénoncer "les nationalismes qui ressurgissent et qui furent parmi les moteurs du déclenchement de cette guerre" »** ; 2. pour « souligner la nécessité de construire une mémoire collective », et pour « honorer en grande pompe la mémoire des millions de morts avec une grande manifestation dans un lieu symbolique de sa construction, elle [l'Europe] qui finit par fatiguer les jeunes générations en se présentant comme un gage de paix, celui du plus-jamais-ça... »

Reprenons ces divers points.

1 – Dénoncer « les nationalismes » est un tic verbal qui ne correspond à rien. Ce qui aurait pu être une communauté européenne s'est fondé, dans les années 1950-1960, sur la détestation rétrospective (unanime) de la Seconde Guerre mondiale et sur la peur de l'URSS  ; à cette date il n'y avait plus aucun « nationalisme » à refouler en Europe. Mais la construction européenne cachait sa véritable nature, qui allait se dévoiler après le traité de Maastricht : une supra-nationalité au service du libre-échangisme mondial et de la société de marché. Ce que voyant, les peuples ont commencé à désapprouver, à se dérober, pour aboutir à la situation actuelle. Mais ces sursauts populistes ne sauraient être qualifiés de « nationalismes » (au sens, forcément atroce, où l'entend la pensée officielle). Et ces sursauts n'existeraient pas si les peuples ne percevaient  Bruxelles comme un outil de l'ultralibéralisme, indifférent par nature à leurs intérêts.

1' – En 1914 les « nationalismes » ne furent pas des « moteurs », mais seulement des courroies de transmission. Ces « nationalismes », ou pour mieux dire ces xénophobies – et le revanchisme en France –, n'étaient que des courants d'opinion, plus ou moins répandus selon les milieux sociaux, mais considérés de haut par les classes dirigeantes qui étaient les seules à pouvoir déclencher la guerre (et qui l'avaient préparée à froid). Pour faire ou non la guerre, les « moteurs » des classes dirigeantes se trouvaient du côté des intérêts financiers, industriels, navals et coloniaux, ainsi que Jean-Pierre Guéno le rappelait hier à l'émission Le Grand Témoin de RND.

2 – Comment Bruxelles pourrait-elle « souligner la nécessité d'une mémoire collective » ? Telle qu'elle fonctionne depuis Maastricht, l'UE est une entreprise d'amnésie, vouée au plus froid réductionnisme technico-financier.

2' – Comment l'UE aurait-elle pu trouver « un lieu symbolique de sa construction »,  et pour y célébrer « la mémoire » ? L'UE est mentalement hors-sol ! Pour seul « lieu symbolique » elle a les billets de la monnaie unique, ornés au recto de dessins abstraits évoquant « l'esprit d'ouverture », et au verso de dessins abstraits évoquant « l'union avec le reste du monde ». Personne n'est contre l'esprit d'ouverture. Personne n'est contre l'union avec le reste du monde. Mais ces deux valeurs officielles, sélectionnées (à l'exclusion de toutes les autres) par les élites politico-financières de l'Euroland,  n'ont aucun rapport avec la mémoire :  elles ne sauraient donc servir à commémorer quoi que ce soit – surtout s'il s'agit du  crime des élites politico-financières de 1914...

2'' – « Elle [l'Europe] finit par fatiguer les jeunes générations en se présentant comme un gage de paix, celui du plus-jamais-ça. »  Ainsi, même le bureau européen du Monde constate que l'UE emm... les jeunes avec sa rengaine de paix qui sonne faux. Comment parler de paix alors que l'UE, non seulement fut incapable d'empêcher la guerre de Yougoslavie en plein continent européen, mais  laissa Berlin faire cette guerre par Croates interposés – vieille habitude allemande ? Et alors que l'UE participe depuis vingt ans (contre ses propres intérêts) au plan américain de retour à la guerre froide ?

 

Oui, l'UE a raté quelque chose en ne trouvant pas le moyen de transcender le centenaire. Et sa dérobade confirme ce qu'en réalité cette « Europe » est sur le plan mental : un ensemble vide.

 

 

PS – Photo ci-dessus et ci-dessous : sans que l'UE y soit pour rien, un hommage grandiose est rendu aujourd'hui aux morts du Carnage. Ce monument est l'Anneau de la mémoire à Notre-Dame-de-Lorette, conçu par l'architecte français Philippe Prost pour la région Nord-Pas-de-Calais. Les noms des morts ont été fournis par chacun des pays dont des ressortissants (même rétrospectifs) participèrent à la guerre. Ce vaste monument circulaire porte, gravés par ordre alphabétique sur des plaques d'acier doré de trois mètres de haut, les noms de 579 606 soldats de quarante nationalités (britanniques, français, russes, allemands, autrichiens, belges, suisses, portugais, chiliens, argentins et même japonais) tombés sur les champs de bataille du Nord entre 1914 et 1918. La puissante sobriété du monument en fait un symbole de la dimension métaphysique de la Catastrophe. Il sera visité par des milliers de pèlerins de la mémoire venus du monde entier.

  

   La nuit, l'Anneau éclairé de l'intérieur se transformera en veilleuse. 

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   Le perpétuel avion traînant sa banderole politicienne s'est permis de survoler l'Anneau de la mémoire ce  matin. La monomanie mène à l'impiété.

  

  

__________ 

* pléonasme.

** phrase de Pierre Lemaître (Goncourt 2013 pour Au revoir là-haut), citée par Stroobants.

 

 

17:15 Publié dans Europe, Histoire, Idées | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : histoire, 1914

Commentaires

EFFECTIVEMENT

> "L'UE emm... les jeunes avec sa rengaine de paix qui sonne faux" Il y a de quoi effectivement. Un intéressant article de Roland Hureaux sur l'Europe sur le site de LP, qui s'intéresse à divers aspects de l'Europe actuelle :http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Francois-et-l-Europe-quel-message
Je note personnellement un passage intéressant:
"Il faut une grande dose d’inconscience, ou d’ignorance des mécanismes économiques, pour exhorter, comme le font certaines autorités ecclésiastiques, à la charité envers les exclus et les sans-abris tout en qualifiant de « merveilleuse idée » une Europe institutionnelle dont la politique tend à les multiplier!"
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Écrit par : ND / | 11/11/2014

L'ANNEAU

> Je ne partage pas votre avis sur l'Anneau de la mémoire à Notre-Dame-de-Lorette.
Ce monument me laisse froid, à force de tourner sur lui-même.
Il évoque pour moi l'image du synchrotron où les particules n'en finissent pas de tourner pour accélèrer et finir par heurter une cible.
J'attends d'un tel monument un élan qui nous tire vers le haut, qui donne l'espérance pour signifier qu'ils ne sont pas morts pour rien. J'attends un élan vers le ciel.
Dans ce monument il n'y a rien de tout cela. C'est dommage!

Viller


[ PP à Viller - Dans un cloître aussi on tourne en rond. Dans un cloître aussi, la verticale monte vers le ciel. Et si la culture contemporaine n'est pas chrétienne, c'est largement de la faute des chrétiens... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Viller / | 11/11/2014

DANS LES HAMEAUX

> Faisant pendant à l'Anneau de la mémoire, les monuments au morts des minuscules hameaux de nos campagnes où on lit parfois plus d'une dizaine de noms, dont trois ou quatre de la même famille, me serrent toujours le coeur...
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Écrit par : cristiana / | 11/11/2014

PAS D'ACCORD

> Remarquez le vocabulaire européiste pour trafiquer l'Histoire : les Français en 1914 sont "revanchards", terme nettement péjoratif, tandis que les Allemands en 1939 "ont été injustement humiliés par le traité de Versailles".
D'autre part, si les noms inscrits sur l'anneau sont vraiment ceux des deux belligérants, c'est vraiment le plus grand monument au relativisme, l'air de dire : "tous ces gens sont morts pour rien, pour des bêtises". Il ne peut se comprendre que comme monument aux victimes du nationalisme, une insulte à l'intelligence et au courage des soldats français.

Guadet


[ PP à Guadet - Permettez-moi de ne pas partager votre point de vue sur ce qui fut le démentiel suicide de l'Europe. J'y vois l'irresponsabilité des chefs politiques et l'ineptie des chefs militaires. Ce qui n'empêche pas de dire tout notre respect au stoïcisme du soldat de base... ]

réponse

Écrit par : Guadet / | 11/11/2014

@ cristiana

> Ce qui me serre encore plus le coeur, ce sont les cimetières militaires où l'on voit les tombes de jeunes hommes morts en novembre 1918. Certains le 10 ou le 11...
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Écrit par : Feld / | 11/11/2014

DÉBAT

- Oui! la "construction européenne" a bel et bien jeté le masque!

- A moitié d'accord avec Guadet: le mot "revanchard" sert à accabler le peuple français en exonérant les "élites". Mais il bien d'unir des hommes sacrifiés dans un même hommage.

- sur le synchrotron: c'est vrai mais, les goûts et les couleurs...

Par contre, vous soulevez une autre vaste question:
"Et si la culture contemporaine n'est pas chrétienne, c'est largement de la faute des chrétiens..."
le saura-t-on jamais? et si oui, ici encore, lesquels ?

PH

[ PP à PH

- "largement de la faute des chrétiens" :

1. Parce qu'il est salubre de ne pas nous exempter des errements de notre temps.
On se condamnerait à ne rien comprendre à la crise de civilisation si l'on prétendait que c'est à cause de la méchante gauche qui a évincé la gentille droite, etc. Le problème est bien plus vaste et profond que ça. La crise de civilisation (culture, mentalités, mœurs) est liée à un système économique et social auquel les chrétiens ont largement acquiescé, et que trop d'entre eux persistent à vouloir défendre aujourd'hui (sans voir qu'il est le problème).

2. "Lesquels", demandez-vous ? Non, ne nous le demandons pas. À un moment ou l'autre de nos existences, nous avons tous plus ou moins acquiescé au système économique et social, donc aussi culturel etc, qui a bouché les sources spirituelles dans notre civilisation. Et ceux d'entre nous qui sont chrétiens portent ainsi une part de responsabilité.

3. Et ceux des chrétiens qui étaient (ou sont devenus) conscients de la vraie nature de la crise de civilisation, ont-ils fait (ou font-ils) le maximum pour ouvrir le débat public autour d'eux ?

Etc.

PS - Le mot "revanchard" est aujourd'hui banalisé et vidé de tout sens. Mais il est exact et pertinent si on l'applique à la société française des années 1880-1914... ]
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réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 12/11/2014

SCHUMAN

> Le problème avec cette UE que de plus en en plus de personnes ne souhaitent plus, est que l'on reproche aux chrétiens catholiques de la soutenir puisque R. Schuman fut l'un des fondateurs.
Comment argumenter contre ce fait ? devrons nous supporter pour toujours ce lourd fardeau de notre histoire ?
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Écrit par : Jaillet / | 12/11/2014

@ Feld :

> mon arrière-grand-père est même mort le 20 DÉCEMBRE 18.
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Écrit par : JG / | 12/11/2014

L'HORREUR DE CE QUE FUT CETTE GUERRE

> Contrairement à une critique faite plus haut, je ne trouve pas que ce monument incite au relativisme.
Il exprime l'horreur de ce que fut cette guerre en donnant une idée de ce que fut le nombre de victimes militaires.
Et pourquoi ne pas les rassembler : ce sont toutes des victimes, soyons assurés que les responsables de ce massacre (et qui sont issus des deux camps) s'en sont fort bien tirés.
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Écrit par : Barbara / | 12/11/2014

@ PP

"Le mot "revanchard" est aujourd'hui banalisé et vidé de tout sens. Mais il est exact et pertinent si on l'applique à la société française des années 1880-1914".
Désolé mais j'ai bien étudié ce problème quand j'étais étudiant en Histoire, et ce avec les meilleurs spécialistes de l'époque à la Sorbonne. Ce n'est pas du tout ce qui en ressortait, après l'échec de Boulanger.
Vouloir exonérer les Allemands et tout mettre sur le dos de la ploutocratie et du revanchisme français est tentant, mais ce n'est pas si simple. C'est ce que voudraient croire les Allemands pour se déculpabiliser. Mais les faits sont là : les Allemands sont responsables en 14 d'une guerre injuste, comme Louis XIV avait été responsable en son temps d'autres guerres injustes. Ce n'est pas pour accuser un pays, mais simplement pour rétablir la justice, sans laquelle il ne peut pas y avoir de paix, comme l'a très bien dit Jean-Paul II, si je ne me trompe.

Guadet


[ PP à Guadet :
- Je ne parlais pas des responsabilités allemandes, que personne au monde ne songe à discuter.
- Je parlais de la nature intellectuelle et sociologique des courants "nationalistes" de la Belle Epoque.
- Je me permets aussi de vous signaler que cet angle d'étude dédouane les "nationalistes" français d'une responsabilité concrète dans le déclenchement de la tuerie, celui-ci n'étant imputable qu'aux dirigeants européens... qui regardaient de haut les "nationalistes" dans chaque pays.
Mon point de vue complétait donc le vôtre sans le contredire. D'où le caractère un peu superflu (excusez-moi) de cette discussion, que je vous propose de cesser. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guadet / | 12/11/2014

MALESTROIT OCCUPÉE

> De passage le week end du 11 novembre à Malestroit, cité de la résistance, où a vécu la religieuse mystique mère Yvonne Aimée, qui fut décorée de la Légion d'Honneur par de Gaulle pour son aide aux parachutistes et résistants ("nous n'avons fait que pratiquer la charité" disait-elle) qu'elle cachait de la Gestapo, arrêtée elle-même par la Gestapo.
Dans cette ville dont l'hopital a été décoré de la Croix de Guerre et "consacré" haut-lieu de la résistance française, l'hotel de ville portait
-en place d'honneur un gwenn ha du et un drapeau européen
- sur le côté le drapeau aux armes de la ville et un drapeau français déchiré.(sur le côté et en plus déchiré)
Pavoisement illégal, glacialement indifférent dans une ville marquée par la Résistance où est enterré le premier fusillé de l'occupation, Jacques Bonsergent (le tout aux alentours du 11 novembre ; j'y étais le 10, a t-on pavoisé normalement le 11 ?)
Cela rapelle ce que nous avions observé à Ste Suzanne (où seul le drapeau du Reich maastrichtien flottait sur la mairie)
Sainte-Suzanne qui est comme Malestroit classée "petite cité de caractère".
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Écrit par : E Levavasseur / | 13/11/2014

BEZEN PERROT

> qui administre Malestroit ? des petits-fils de ceux de la Bezen Perrot ?
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Écrit par : le balp / | 13/11/2014

COCUS

> Belle vocation de cocus chez ceux qui croient que Bruxelles s'intéresse à la culture bretonne.
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Écrit par : Quiniou / | 13/11/2014

L'U.E. ET L'EGLISE

> Jaillet soulève une vraie difficulté à laquelle je me heurte dans un sens ou dans l'autre dans mes engagements.
Catholique contre l'Europe et l'OTAN, on se fait demander pour qui on roule (sous-entendu: Poutine).
Contre l'Europe et l'OTAN bien que catholique?... et hop, qualifié avec humour de "théologien" par François Asselineau. :)
Le parti pris européiste des milieux catho est probablement, de la part de la hiérarchie, un effet d'inertie. Chez les autres, un faux nez de leur libéralisme.
Sans discuter de sa pièté, une béatification en ce moment, de Schumann serait désastreuse pour le visage que donne l'Eglise.
Et puis, il y a la question de l'héroïcité des vertus qui laisse perplexe. C'est un homme qui a toujours été du côté du manche. Certes hostile à de Gaulle, mais beaucoup pensaient que de Gaulle, c'était un mauvais moment à passer et que le vrai manche était outre-atlantique.
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Écrit par : Pierre Huet / | 13/11/2014

VAUHALLAN

> De passage hier à Vauhallan : sur la mairie, grand drapeau européen et à la place d'honneur, au milieu.
Petits drapeaux français sur le côté.
Il y a donc eu un coup d'Etat ?
C'est Jean-Claude Junker qui gouverne la France ?

EL

[ PP à EL - Plutôt Juncker... Nous n'en sommes pas encore aux Junkers (88). ]

réponse au commentaire

Écrit par : E Levavasseur / | 17/11/2014

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